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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Correspondants de l’étranger :
dernières traces (1948-1950)
À contretemps, n° 45, mars 2013
Article mis en ligne le 13 juillet 2014
dernière modification le 19 février 2015

par F.G.


Tout au long de ses années d’engagement anarchiste, Ba Jin a entretenu un commerce épistolaire avec des militants libertaires du monde entier. Sont parvenues jusqu’à nous certaines des lettres qu’il adressa à Emma Goldman (1869-1940), Alexander Berkman (1870-1936), Rudolf Rocker (1873-1958), Max Nettlau (1865-1944), Thomas H. Keel (1866-1938), Agnes Inglis (1870-1952), Joseph Ishill (1888-1966), un Roumain ayant émigré aux États-Unis, Bartolomeo Vanzetti (1888-1927) ou Boris Yelinsky (1889-1974) [1]. On sait également qu’il reçut un message de Diego Abad de Santillán (1897-1983), en 1928, lorsque celui-ci s’occupait en Argentine de La Protesta  [2], et que Lilian Wolfe (1875-1974), la compagne de Thomas H. Keel, lui expédiait les livres qu’il commandait par son entremise [3]. Un mot à Ishill nous apprend qu’il fut en rapport avec Eugen Relgis (1895-1987), autre Roumain ayant émigré, en Uruguay [4]. Enfin, les dédicaces ornant deux de ses ouvrages conservés au CIRA de Lausanne attestent les liens qu’il noua avec le Suisse Carlo Frigerio (1878-1966), rédacteur responsable du Risveglio/Réveil [5].

Quelques-unes de ses propres lettres furent publiées dans des périodiques anarchistes : The Road to Freedom (New York), Freedom (Londres), Dielo trouda (New York) [6], le Bulletin d’information de la Commission des relations internationales anarchistes (Paris), ainsi, comme on va le voir plus loin, que Volontà (Naples) et L’Adunata dei refrattari (New York).

D’autres anarchistes assurent avoir eu, eux aussi, des contacts par écrit avec Ba Jin. C’est le cas du Cubain Marcelo Salinas (1889-1976), lequel dut quitter La Havane pour Miami quand Fidel Castro arriva au pouvoir [7], et qui se souvient que Ba Jin s’exprimait en français ; ou de l’Espagnole Federica Montseny (1905-1994), installée en France après la « Retirada », visiblement mal informée de la trajectoire ultérieure de leur ami, puisqu’elle affirme dans un livre paru en 1976 : « Le dernier camarade chinois avec lequel nous avons entretenu une correspondance est Li Pei Kan. On nous assure qu’il est vivant et qu’il continue à œuvrer en silence pour nos idées [8]. »

L’examen de sa bibliothèque occidentale laisse supposer que Ba Jin a maintenu des relations avec les anarchistes espagnols réfugiés en France, au moins jusqu’à la fin des années 1940 [9]. La liste comprend, par exemple, des publications réalisées par eux, entre 1945 et 1949 à Paris, à l’enseigne de Tierra y Libertad et de Solidaridad Obrera, ou à Toulouse, aux éditions Movimiento Libertario Español et aux éditions Universo, parmi lesquelles des œuvres de Juan Peiró, de José García Pradas, de Roberto Remartínez, de Mary Wood-Allen, ou encore ce roman de Federica Montseny justement, destiné à la jeunesse, Amor sin mañana (Toulouse, Universo, 1947).

Dans ses mémoires, le Français Georges Fontenis – futur dirigeant de la Fédération communiste libertaire [10], mais alors secrétaire général de la Fédération anarchiste –, rappelle à son tour ses échanges avec Ba Jin, dans les années qui suivirent l’immédiat après-guerre [11] :
« En Chine, nous avons des liaisons suivies, notamment, avec Li-Pei-Kan [Li Peigan] (professeur de français à l’Université de Pékin), traducteur et éditeur des œuvres complètes de Kropotkine (il m’en a offert un exemplaire, en plusieurs volumes, signe de nos rapports épistolaires étroits. Inutile de préciser que je les ai toujours conservés et cette bibliothèque réduite en chinois a toujours impressionné les policiers lors des perquisitions que j’ai dû subir au cours des ans !). Sous le nom du camarade Li-Pei-Kan, milite le célèbre écrivain Pa-Kin [Ba Jin].
Dans une de ses dernières lettres, il nous faisait savoir que sans renier son anarchisme quant au fond, il se ralliait à la victoire des communistes de Mao qui apportaient au moins la fin des pires oppressions de la société chinoise traditionnelle et la disparition de la famine pour des millions d’humains.
 [12]  »

Interrogé par nos soins, en juin 1995, sur le sort de cette correspondance avec Ba Jin, voici ce qu’il nous répondit :
« Je me souviens fort bien des lettres, peu nombreuses, que Pa Kin écrivait au Comité national de la FA [Fédération anarchiste] de l’époque et qui accompagnaient des envois de livres (traductions des œuvres de Kropotkine, et, assez rarement, de Malatesta) et de brochures sur la guerre d’Espagne (sur la base des affiches CNT-FAI). [13]
Au cours des menées répressives subies par la FCL [Fédération communiste libertaire], dans les années 54-57 notamment, les lettres ont disparu, mais j’ai pu sauver des livres et brochures sur lesquels d’ailleurs il y avait très souvent quelques mots ou quelques lignes de la main de Pa Kin, signant toujours Li Pei Kan.
Je me souviens parfaitement d’une lettre dans laquelle il précisait avoir étudié en France et enseigner (à quel titre, je ne sais) à l’université de Pékin l’histoire de la littérature française ancienne.
Dans une autre lettre de 49, alors que la République populaire était fondée (ou en voie de l’être), il nous précisait qu’il restait inspiré par les idées de Kropotkine mais qu’il se pensait obligé de choisir le soutien (plus ou moins critique) à la Chine populaire qui apportait de considérables améliorations pour les masses, eu égard à la situation de profonde misère que signifiait la Chine nationaliste.
Je ne puis en dire plus.
 [14]  »

Les propos de Fontenis ne sont malheureusement pas exempts d’erreurs ou d’approximations. Contrairement à ce qu’il persistait à affirmer, Ba Jin n’avait jamais été professeur, à l’université de Pékin ou ailleurs, et il n’avait jamais enseigné ni le français ni la littérature française ancienne, ni quoi que ce soit d’autre. Ba Jin n’avait pas non plus poursuivi à proprement parler des études en France, à tout le moins les études de sciences économiques pour lesquelles il avait été censé venir à Paris. En revanche, quand Fontenis évoque un ralliement ou un soutien de Ba Jin au régime de « démocratie nouvelle » qui se mettait en place dans son pays au motif que la vie de la population allait s’en trouver améliorée –¬ quelque peine qu’on ait à imaginer Ba Jin s’expliquant en des termes si tranchés –, son témoignage recoupe une confidence de Ba Jin à Agnes Inglis datant du 18 septembre 1950 : « Peut-être aurai-je l’occasion de voir la mise en œuvre de la Réforme agraire, la distribution de la terre aux paysans pauvres. C’est la destruction du féodalisme en Chine. Une grande chose, évidemment. [15] »

Et c’est encore ce discours que Ba Jin tenait, à quelques jours de là, à ses correspondants italiens de la revue Volontà, publication basée à Naples et alors « revue mensuelle du mouvement anarchiste italien » [16], dans une lettre inédite que nous reproduisons in extenso d’après la version italienne, dont nous ignorons qui l’a traduite et dactylographiée. Il s’agit de la lettre la plus tardive adressée à un correspondant anarchiste.

« Shanghai, 25 septembre 1950
Cher ami,
J’ai reçu ta lettre du 5 août 1950. Merci ! J’ai également reçu la
Piccola enciclopedia anarchica [17] et Volontà (avril 1950) que tu m’as envoyés de Biella. Mais je n’ai pas reçu les autres livres. Je t’écrirai dès que je les recevrai. Je n’ai toujours pas de nouvelles de France à propos de mon livre Kia [Jia] [18]. J’ai reçu des nouvelles de notre ami Lu [19]. Il continue à enseigner à l’université de Chengtu [Chengdu]. Il est malade ces jours-ci.
Je pense que tu es arrivé à Turin. Mais je n’ai pas encore reçu ta nouvelle lettre de cette ville. Tu m’obligerais en écrivant quelques lignes sur la situation italienne ou sur la vie de la ville de Turin.
En Chine la situation s’améliore beaucoup. La réforme de la terre est en train de commencer dans la majeure partie du pays. C’est la destruction de la féodalité vieille d’un millier d’années dans ce pays. C’est une grande réforme parce que la population agricole en Chine représente plus de 400 millions de gens, c’est-à-dire 87 % de la population totale.
Je te prie de m’envoyer les numéros de
Volontà qui me manquent et un exemplaire de la brochure Il Controllo delle nascitede Zaccaria-Berneri [20].
Signé Li Pei-kan.
 [21]  »

Le document fut communiqué à Ugo Fedeli [22], le secrétaire de la Fédération anarchiste italienne, par un dénommé Duval (appelé jusque-là Rebuffa [23]), sans que rien ne permette de déterminer qui le « cher ami » désigne. Au passage, on notera que Ba Jin aurait pu rencontrer Fedeli en France à la fin des années 1920, car le hasard veut qu’ils se soient trouvés là-bas tous les deux en même temps, et que Fedeli fût impliqué dans l’affaire des débats sur la « Plate-forme d’organisation de l’Union générale des anarchistes » à laquelle Ba Jin fut mêlé très indirectement par un de ses amis chinois, lequel était un familier de Fedeli [24].

Dans le mot d’accompagnement qu’il joint, Duval précise que si l’on veut publier quoi que ce soit du « camarade Li de Shanghai » dans le bulletin interne (de la FAI) il convient de ne pas mentionner son nom. On devine évidemment à la lecture de cette lettre de Ba Jin à Volontà qu’elle n’est pas la première. Et de fait, deux ans plus tôt, la revue italienne avait publié dans ses colonnes une autre lettre de Ba Jin, laquelle était dûment signée : sans doute ne craignait-on pas alors de compromettre son auteur, les communistes n’ayant pas encore pris le pouvoir en Chine. Pas d’indication, non plus, sur la langue dans laquelle elle fut rédigée, et on constate que sa matière sera reprise par Ba Jin dans un message ultérieur destiné à la CRIA [25], qui, lui, fut libellé en français. Cette première lettre remontait à août 1948, et elle figure en italien dans la livraison de novembre 1948 de Volontà.

« De Chine…
… Quant à la Chine, je dois vous dire que, en vérité, il n’y a pas dans notre pays de grand mouvement anarchiste. Voilà quinze ans que nous œuvrons à la diffusion des idées de l’anarchisme, sans qu’il ait été possible jusqu’à maintenant de pénétrer en profondeur dans le peuple, et nos groupes se composent essentiellement d’intellectuels. […] Même parmi les intellectuels, on doit dire que nos idées sont très négligées : et cela est dû au vent bolchevique, lequel, grâce aux moyens abondants dont il dispose (songez qu’il s’imprime en Chine dix mille périodiques et publications « communistes » différents), captive et fanatise même ceux qui devraient faire profession de pensée libre. Un groupe de Chengtu [Chengdu], auquel appartient également l’infatigable Lu-Cien-Bo [Lu Jianbo], publie un hebdomadaire (« La Pensée ») en tant que supplément libertaire à un quotidien local (« The Central News of Chengtu »)
 [26]. Dans notre groupe de Shanghai, nous sommes peu nombreux, mais nous nous efforçons de faire notre possible : pour ce qui me concerne, j’ai écrit quelques livres et traduit les œuvres de Kropotkine, que je m’occupe d’éditer, et 4 volumes ont déjà paru  [27] et sont diffusés. Un autre groupe très actif, bien que numériquement pas important, se trouve au Fujian : non seulement il publie sans arrêt des brochures de propagande et les diffuse, mais il a également fondé une « École moderne agraire ». Et une autre « École moderne » fonctionne depuis près de deux ans à Canton, grâce à un autre petit groupe de camarades qui travaillent beaucoup.
[…] Tout laisse espérer une renaissance active du mouvement anarchiste en Chine. Pour le moment, nous sommes encore peu, parce que nous devons travailler et lutter dans des conditions d’extrême difficulté, dans le chaos. Mais nous sommes certains que peu à peu notre mouvement attirera à lui d’autres jeunes pleins de bonne volonté, et que nous parviendrons pour finir à intéresser aussi à nos idées le peuple travailleur, aujourd’hui asservi et fanatisé […] qui souffre tellement dans la guerre civile
 [28], sans que nous puissions lui venir en aide…
[…] Au Japon, en revanche, les anarchistes sont en train de construire un mouvement dont on peut dire qu’il se dirige vers un succès triomphal. […] Il suffit d’évoquer deux faits : premièrement, qu’une grande partie des anarchistes japonais sont des travailleurs […] ; deuxièmement, que leur hebdomadaire (« Le Journal du peuple »
 [29] se vend à plus de 80 000 exemplaires…
Li Pei Kan, Shanghai, août 1948.
 [30]  »

La lettre de Ba Jin était assortie de ce commentaire :
« Tous nos vœux, tous nos vœux chaleureux à Lei [sic] Pei Kan, à Lu Cien Bo [Lu Jianbo], à tous les camarades chinois : bon travail ! Et une requête : ne pourraient-ils pas trouver le temps de collaborer un peu à Volontà, pour nous aider, par leur analyse des maux chinois, à comprendre les maux italiens et français, et anglais, et européens en général, vu qu’un de ces maux au moins est commun ? Et aussi : ne pourraient-ils pas nous mettre en contact avec les camarades japonais ? (Nous pouvons, par ex., communiquer en anglais.) [31]  »

Vers la même époque, un peu avant, on trouve trace de courriers de Ba Jin dans L’Adunata dei refrattari, « L’Assemblée des réfractaires », l’organe des anarchistes italiens exilés aux États-Unis qui était publié à New York [32] et dont Osvaldo Maraviglia s’occupait de l’administration [33]. Comme ce billet, signé Li Pei Kan, où il annonce son intention de souscrire à l’Enciclopedia anarchica, version italienne de la somme publiée sous la direction de Sébastien Faure [34]. Le projet avait été annoncé dans l’Adunata du 13 septembre 1947, et dans sa livraison du 28 février 1948, voici ce qu’on peut lire :
« À un ami qui part aujourd’hui pour l’Amérique, je confie vingt-cinq dollars qu’il te fera parvenir de San Francisco ou de New York, parce que je ne peux pas faire de mandat depuis Shanghai.
J’approuve l’initiative de la publication en langue italienne de l’
Encyclopédie et j’estime que la publication est très utile et urgente pour nous comme pour tous ceux qui souhaitent se familiariser avec nos idées.
Je te prie de conserver les vingt-cinq dollars pour mon exemplaire.
J’attends, confiant dans le succès de l’initiative.
Saluts fraternels à tous les camarades italiens et à toi une cordiale poignée de main.
Shanghai,
Li Pei Kan.
 [35]  »

Le texte sera repris dans le numéro du 12 juin 1948, mais abrégé et avec de légères différences dont on ne sait pas à quoi elles sont dues :
« J’envoie, par l’intermédiaire d’un ami, vingt-cinq dollars pour réserver un exemplaire de l’Encyclopédie écrite par des anarchistes.
J’approuve l’initiative et j’estime que la publication en langue italienne de l’
Encyclopédie est très utile et urgente pour nous, comme pour tous ceux qui souhaitent se familiariser avec nos idées.
J’attends, confiant dans le succès de l’initiative.
Saluts fraternels.
Shanghai (Chine),
Li Pei Kan. »

Suivait une apostille de la rédaction :
« … nous acceptons l’offre de notre camarade Li Pej [sic] Kan avec un plaisir particulier. Elle servira en même temps à réveiller les endormis et à secouer les indifférents. [36]  »

Finalement, le projet demeura sans suite. Mais Ba Jin resta en relation avec les animateurs de la revue puisque, quelques mois plus tard, à leur demande, il rédigeait pour eux une note sur la situation en Chine qui fut reproduite dans la livraison du 26 février 1949 sous le titre « La Chine en convulsion ». Le texte était anonyme, mais une lettre du 11 mai de la même année adressée par Ba Jin à la revue Dielo trouda [37] nous permet de lui en attribuer la paternité avec certitude : « J’ai écrit aux camarades de L’Adunata une lettre en italien, déclare-t-il, qui a été publiée en mars [sic] sous le titre : “La Chine en convulsion” [38]. » Celle-ci a paru dans la rubrique « Chronique subversive », amputée de quelques passages et encadrée par deux avertissements de la rédaction. On y relève une pique de Ba Jin à l’égard des marxistes – traités en l’occurrence de « préconisateurs de réforme agraire » quand ils auraient dû se faire les chantres de la collectivisation –, un tantinet contradictoire avec ses appréciations ultérieures de septembre 1950 sur la distribution de la terre.

« La Chine en convulsion

Nous voudrions savoir précisément ce qui se passe en Chine, et pour bien comprendre, nous voudrions l’explication exacte, non pas seulement des faits, mais des desseins des hommes et des partis. Nous nous sommes donc adressés à un camarade chinois, qui vit en Chine, lequel répond par une lettre du 10 février courant, où il écrit notamment :
Quant aux informations que tu demandes, je ne suis pas vraiment capable de te les donner parce que les affaires chinoises sont tellement compliquées que moi-même je ne les comprends pas de façon certaine. Ce que j’ai lu et que je lis dans les gazettes est toujours faux et mensonger. On ne peut pas connaître la situation « véritable » en lisant les journaux, parce que ce que les journaux publient et ce qu’on entend dire ici, ce sont des rumeurs, des bruits, et rien d’autre que des rumeurs et des bruits. À ce jour, par exemple, je n’ai toujours pas réussi à savoir si les prétendus communistes chinois étaient de véritables marxistes ou bien seulement des préconisateurs de réforme agraire. Quand j’étais à Chongqing j’ai rencontré quelques-uns des condottieres des communistes, mais je n’ai pas réussi à me faire une idée exacte de ce qu’ils sont en réalité. Même à présent je ne sais toujours pas ce qu’ils veulent. Ce que je sais et que je peux dire, c’est que le gouvernement nationaliste est le pire qu’on puisse imaginer. S’il est tombé, il est tombé davantage à cause de ses fautes qu’en raison des vertus des autres. Les communistes ne gagnent pas parce qu’ils sont forts, mais parce qu’ils se sont trouvés face à des adversaires incompétents, corrompus, impuissants… de cette impuissance bureaucratique qui est toute chinoise. Les fonctionnaires publics ne savent qu’écrire, parler, compiler des documents officiels, etc., et ne soupçonnent même pas le moins du monde que, derrière les symboles et les actes du gouvernement, un peuple existe… Le peuple chinois a beaucoup souffert durant ces douze dernières années [39] et il vit dans les conditions les plus misérables. Ce qu’il demande plus que toute autre chose, c’est la paix, la paix véritable. Exploité et agressé de la manière la plus barbare qui se puisse imaginer, il a besoin d’un moment, ne serait-ce que quelques années, de trêve et de répit.
Si la lettre de notre camarade ne satisfait pas totalement notre curiosité, elle donne néanmoins une idée de l’importance immense des événements chinois, dont la gravité n’a d’égale que l’étendue du pays, où s’effondrent des institutions et des primaties séculaires, davantage sous le poids de leur propre décomposition qu’en raison de la puissance des ennemis qui les assaillent.
En fait, tandis que des poignées de « communistes » assoiffés de pouvoir et de privilèges donnent l’assaut à la diligence de l’État, le peuple – comme tous les peuples dans le monde contemporain – aspire à la paix, au pain, à la liberté, à la justice…
 [40]  »

Tels furent, sous bénéfice d’inventaire, les derniers messages transmis par Ba Jin à ses correspondants anarchistes de l’étranger.

Angel PINO


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