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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Revue des revues
À contretemps, n° 24, septembre 2006
Article mis en ligne le 8 juin 2007
dernière modification le 29 novembre 2014

par .

AGONE, n° 34, 2005, 264 p.

La dernière livraison de la revue-livre Agone – « Domestiquer les masses » – offre, comme à son habitude, un sommaire fourni. Notre attention s’est portée, entre autres textes de qualité, sur une intéressante contribution de Noam Chomsky – « Propagande et contrôle de l’esprit public » – traitant du fonctionnement de la « propagande entrepreneuriale » aux États-Unis et sur l’excellent « Quand les intellectuels s’emparent du fouet. Orwell et la défense de l’homme ordinaire », de Jean-Jacques Rosat. Signalons, par ailleurs, une remarquable étude de Jacques Bouveresse, datant de 2003 : « Karl Kraus et nous. La réalité peut-elle dépasser la satire ? » Dans la toujours intéressante rubrique « Histoire radicale », on trouve, présentée par Charles Jacquier, une profonde « réflexion sur le progrès et la responsabilité individuelle », datant de 1945 et élaborée par Dwight Macdonald – « La bombe » – et un texte pertinent de Loren Goldner – « Ce que raconte et surtout ne raconte pas l’Histoire générale de l’ultra-gauche de Christophe Bourseiller ».

OISEAU-TEMPÊTE, n° 13, printemps 2006, 40 p.

Cette treizième livraison de la revue de critique sociale Oiseau-tempête consacre l’essentiel de son numéro aux émeutes qui secouèrent les périphéries urbaines françaises en novembre 2005. Dans un texte d’analyse – « Incendies sans paroles » –, Charles Reeve s’attache surtout à évoquer, sans complaisance, les nombreuses – et difficiles – questions que pose cette révolte. Cette approche, qui n’a pas fait l’unanimité du collectif de rédaction de la revue, est complétée, entre autres textes, d’une « conversation avec un émeutier », assez révélatrice de l’état d’esprit de la frange la plus politisée du mouvement.

PLEIN CHANT, n° 81-82, printemps 2006, 288 p.

Consacré à « Zo d’Axa l’Endehors », le dernier numéro de cette indispensable « revue erratique de littérature imprimée », coordonné par Jan dau Melhau et richement illustré, est un pur bijou. On y suivra, avec bonheur, les traces d’Alphonse Gallaud (1864-1930), allias Zo d’Axa – du grec Zo « je vis » et Dax « en mordant » –, météore de génie de l’anarchie « fin de siècle », pamphlétaire redoutable et fondateur de deux titres inégalés : L’Endehors et La Feuille. C’est peu dire que le bonhomme marqua son époque comme nul autre. Sa plume et son épée ferraillèrent abondamment contre les trafiquants de crédulité et les gens d’ordre, les bien-pensants et les menteurs. Au nom de rien, « sans rêve d’avenir meilleur », pour la seule « joie des batailles ». « Il faut vivre dès aujourd’hui, écrivait-il dans L’Endehors, dès tout de suite, et c’est en dehors de toutes les lois, de toutes les règles, de toutes les théories, mêmes anarchistes, que nous voulons nous laisser aller toujours à nos pitiés, à nos emportements, à nos douceurs, à nos rages, à nos instincts, avec l’orgueil d’être nous-mêmes. » Le numéro s’organise autour d’un long texte de Béatrice Arnac, petite-fille de l’irréductible, qui en décrit l’itinéraire. Ce « Zo d’Axa, l’artistocrate » brûlant de passion amoureuse s’entremêle de très nombreux témoignages d’époque. Complété d’une utile entrée en matière signée Jan dau Melhau – « Dans l’ambiance d’une curieuse Belle Époque. Trente ans d’illégalisme » – et d’une subtile apostille du même – « L’âge d’or de la presse libertaire. Une petite librairie libertaire fin de siècle » –, le numéro offre au lecteur ébloui une bonne dose de textes choisis de Zo d’Axa, extraits pour la plupart, de L’Endehors et de La Feuille. Tous admirablement écrits, sans ornement, dans la plus belle et claire langue qui soit. Après avoir guerroyé sans relâche, quelque vingt ans durant, contre l’imposture, connu le triste exil de Londres, trimbalé sa silhouette de Don Quichotte errant du côté du Proche-Orient, été rapatrié de force en France, enfermé à Mazas, repris la plume, Zo d’Axa, fatigué de tant de combats, prend le large. Il enverra, d’ici ou d’ailleurs, de magnifiques récits de voyage. Son dernier article, il le donne au Journal du peuple, sous forme de lettre, en 1921. On y lit : « Circuler un peu par le monde, entrevoir l’épaisseur des masses, retrouver partout florissantes les mêmes duperies transposées, les croyances et les fétichismes enracinés jusqu’à l’os, il est vrai ne m’a pas porté à d’édifiantes illusions. Respirer, respirer ailleurs. N’être rien dans la vaine affaire. Lampée d’air pur, vent du large... Et sans doute plutôt nomade. Qu’est-ce donc que vivre si ce n’est passer, selon sa nature, un moment ? J’aime le matin sur les routes, proches ou lointaines, et sans stylo, sans autre ambition ni but que de comprendre la journée claire en dehors des mirages flottants – en dehors ainsi que toujours, à des feuilles d’écriture près. » Zo d’Axa n’écrira plus. Jamais. Installé à Marseille, promenade de la Corniche, il s’y donna la mort le 30 août 1930, après avoir pris soin, la veille, de brûler presque tous ses papiers. À lire d’urgence, pour respirer un grand bol d’air d’insoumission.

QUESTION SOCIALE (La), n° 3, hiver 2005-2006, 208 p.

Après avoir abordé, dans un précédent numéro, la question du syndicalisme et de son institutionnalisation, c’est, cette fois-ci, au syndicalisme dit alternatif – c’est-à-dire « se démarqu[ant] des syndicats déclarés représentatifs et reconnus comme partenaires par l’État et le patronat », est-il précisé – que s’intéresse la troisième livraison de La Question sociale, « revue libertaire de réflexion et de combat ». Pour ce faire, le collectif de rédaction s’est orienté vers une série d’entretiens avec des militants français des SUD, de la CNT-F, de la CNT-AIT et des divers collectifs de soutien aux grévistes qui se sont développés au cours des dernières années. Complété de contributions sur l’Espagne – « Quelle alternative syndicale dans un capitalisme modernisé ? », de Corsino Vela –, sur l’Italie – « La petite galaxie du syndicalisme alternatif » et « La résistible ascension de la bureaucratie dans le syndicalisme alternatif », les deux de Cosimo Scarinzi –, le tout forme un dossier d’autant plus intéressant qu’il n’évite aucune interrogation quant aux perspectives d’avenir de ce syndicalisme dit alternatif. En écho, la rubrique « Luttes sociales » s’arrête sur le mouvement lycéen du printemps 2005, en France (en donnant la parole à trois de ses acteurs) et sur le mouvement de révolte de 2004 à Florianopolis, au Brésil (Mané Ludd). En rubrique « Leur paix sociale », Nicole Thé – « Le même ennemi. Considérations sur les récentes émeutes dans les banlieues de France » – et Daniel Blanchard – « Le même ennemi ? » – appréhendent différemment les émeutes de novembre 2005. Deux autres textes de qualité – « Le rôle des macro-événements dans la ville capitaliste », de Carolina Del Olmo, et « Villes et crises de civilisation », de José Manuel Naredo – complètent, en l’élargissant, une nécessaire réflexion sur la crise urbaine à l’échelle planétaire. Enfin, bouclant la boucle du syndicalisme dit alternatif, ici d’action directe plutôt, la rubrique « Histoire » évoque le centenaire de la naissance des IWW. Moins étoffée que d’habitude, mais riche tout de même, la rubrique « Lire et relire » fait le point des récentes parutions et clôt ce troisième numéro de La Question sociale, aussi réussi que les précédents.

RÉFRACTIONS, n° 16, mai 2006, 168 p.

« Les anarchistes, lit-on en présentation de ce numéro, ont, depuis toujours, une complicité certaine avec l’enfance. Peut-être parce qu’ils ne sont pas, ou pas encore, résignés et qu’ils désirent que les champs du possible s’ouvrent à eux. » Cette seizième livraison de Réfractions – « Les enfants, les jeunes... c’est l’anarchie » – prétend, donc, porter un regard libertaire sur cet âge où tout se joue et se noue, et d’abord les défaites annoncées. Car s’il est, ici, question des « jeunes » en général, on ne s’étonnera pas qu’une grande part des textes réunis – ceux, par exemple, d’Alain Thévenet, de Pierre Sommermeyer, d’Horia Kebabza et de Mickaël Goyot – traitent d’abord de ceux dont s’occupent, prioritairement, la police et les sciences de l’éducation : ceux des cités et de la misère sociale. Organisé en quatre parties – « Enfants dangereux, enfants en danger », « Imaginaires », « Expériences », « Précurseurs » –, ce numéro explore, cependant, toute une constellation de thématiques se référant à l’enfance : la psychanalyse (Roger Dadoun), le conte (René Fugler, Jeannine Enjolric), l’école institutionnelle et anti-institutionnelle (Gilles Geneviève, Francesco Codello), les ateliers d’écriture (Laurent Patry), la pédagogie libertaire (Alain Thévenet, Bernard Lebœuf). Au bout du voyage, les questions demeurent, et c’est tant mieux, comme ces « pourquoi ? » de l’enfance qui mettent les adultes en demeure de s’interroger sur le fondement de leurs certitudes. En « transversales » de ce numéro, une « Lettre de la Nouvelle-Orléans », de John Clark, et une nouvelle de Pa Kin consacrée à Sacco et Vanzetti – « La Chaise électrique » –, traduite du chinois par Angel Pino. Enfin, un « chant à voix basse » – « *[Tic...Tac...]** » –, de Mimmo Pucciarelli, rend hommage à Alain Pessin, auteur de l’indispensable ouvrage La Rêverie anarchiste, récemment disparu.