Bandeau
A Contretemps, Bulletin bibliographique
Slogan du site
Descriptif du site
Sombre rage
À contretemps, n° 43, juillet 2012
Article mis en ligne le 17 juin 2014
dernière modification le 31 janvier 2015

par F.G.

■ Yannick BLANC
LES ESPERADOS
Une histoire des années 1970

suivi de Le Troupeau par les cornes
Montreuil, L’Échappée, 2011, 304 p.

Paru en 1984, soit sept ans après l’affaire Conty, dite des « tueurs fous de l’Ardèche » – qui en constitue la trame –, ce livre suscita alors un certain intérêt, jusque et y compris dans les colonnes du Monde libertaire (6 septembre 1984) qui y vit tout à la fois « le roman d’une génération » et « l’histoire d’un homme qui, à force de se cogner la tête contre les murs, crut qu’on pouvait les abattre avec un peu de dynamite et quelques coups de fusil ». Son auteur, Yannick Blanc, à l’époque journaliste à Actuel, avait mené une enquête au long cours – cent cinquante témoignages – sur la « dérisoire épopée d’une poignée de soixante-huitards, cas particulier d’un désastre général » qui impliqua quelques membres de la communauté de Rochebesse (Chaneac) sous forte influence de Pierre Conty, gauchiste tendance confuse, en soldats désespérés d’une guerre perdue d’avance. Réédité par L’Échappée et augmenté d’une longue et intéressante postface de l’auteur (un gros tiers du livre), Les Esperados acquiert aujourd’hui une évidente valeur éducative, non tant sur le milieu et l’époque dont elle traite – la queue d’une comète communautaire qui connut des expériences beaucoup moins dérivantes que celle de Rochebesse –, mais sur cette sombre rage qui leva, comme fleur vénéneuse, sur le fumier des rêves bradés de Mai 68 et finit par s’assumer comme telle et sans autre perspective que d’aller au bout de son impuissance dans un culte mortifère de la violence. Racontée par Yannick Blanc, l’équipée sauvage de Conty et de ses copains est surtout révélatrice d’une fin d’époque : celle d’un temps assez sinistre où, dans un même mouvement, l’ « élite » du gauchisme opérait son intégration définitive à la sphère du spectacle tandis que ses derniers soutiers, inconsolables artilleurs d’une pseudo nouvelle résistance, sombraient dans de navrantes et mortifères épopées.

Nathan VAZY