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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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La peste et la colère
Article mis en ligne le 17 avril 2020
dernière modification le 18 avril 2020

par F.G.



[bleu marine] Ce texte de Charles Reeve a été mis en ligne sur « Lundi Matin », le 13 avril 2020. [/bleu marine]


Comment croiser et faire entrer en résonance les réflexions sur l’étrange et singulière période que nous vivons ? Une période qui, par son côté tragique, met en relief les faiblesses et les limites du système capitaliste mondialisé, faiblesses qui, hier encore, passaient pour l’expression de sa force et de sa puissance.

Soumis aux discours toxiques, distillés en boucle, nous sommes cloués au présent par une atmosphère anxiogène, nous sommes impuissants, du fait même de notre isolement. Nous nous sentons menacés par un environnement où tout objet ou individu est perçu comme hostile, source de mort. Les relations humaines elles-mêmes sont minées par le danger. Les chiffres et les courbes des « spécialistes » de la mort sont suivies comme celles de la Bourse, nous submergent et nous accablent ; elles s’ajoutent aux explications complotistes, aux spéculations et aux prétendues certitudes qui se veulent rassurantes. C’est dans ce magma que l’esprit critique doit se frayer un chemin. C’est en essayant de l’exercer que nous accéderons à la seule issue vers l’air libre et que nous nous élèverons au-dessus de la démission de la pensée devant la peur.

Le refoulement de l’idée de la mort paraissait bien consolidé dans les sociétés riches, effacé par le culte du bien-être et par le mythe du progrès, de l’individu dominateur de la nature. Or la tempête du progrès n’est que destruction du vivant – ce que craignaient, déjà il y a un siècle, les ennemis de l’idéologie productiviste dont Walter Benjamin et d’autres « pessimistes » émancipateurs.

La fragilité de la vie et des sociétés avait été allouée aux peuples de la pauvreté, dans les territoires sans cesse élargis de la barbarie guerrière, dans les sociétés en attente des fruits de ce terrible progrès. La production de la mort était devenue une image consommable, source de révolte, certes, mais lointaine. La consolidation du sentiment de sécurité n’avait cessé d’être renforcée par les murs de la répression et de la xénophobie des sociétés riches. La figure du réfugié, les dizaines de milliers de noyés de la Méditerranée, nous le rappelaient tous les jours. Puis, sans crier gare, le virus a contourné les moyens policiers, les murs et les frontières, et s’est imposé parmi nous. Il a finalement pris le chemin le plus moderne et le plus facile, celui de la circulation marchande des biens et des hommes, y compris – ironie du présent – celle qui s’était déguisée en loisir ludique, le tourisme de masse. « Plus loin, plus vite, plus rien ! », disait un graffiti anar sur les murs de la grande ville. Voilà, nous y sommes : plongés dans le rien. Tout cela, nous le savions, nous étions avertis, nous allions dans le mur. Cette fois, nous y sommes : dans le mur ! Le choc frontal nous abasourdit et nous paralyse. Pourtant, une fois de plus dans l’expérience historique, c’est seulement en se fixant des objectifs de plus grande envergure que nous pouvons tenter de nous arracher à la paralysie et aux peurs, que nous pourrons traverser cette période étonnamment étrange.

Nous sommes sortis de la normalité, la normalité du capitalisme que nous refusions mais à laquelle nous étions obligés de nous soumettre, parfois même au-delà de notre conscience. C’est peut-être là un premier enseignement fort de ce moment, nous faisons toutes et tous partie du système, au-delà des idées de rupture que nous pouvons partager, des pratiques hors norme que nous pouvons expérimenter. Mais cette sortie de la normalité n’est pas celle que nous avons pu vivre à d’autres moments de l’histoire, la rupture du temps du capitalisme et l’accès à un autre temps produit de l’activité subversive de la collectivité. Ce que nous vivons aujourd’hui est un temps suspendu qui nous est imposé, qui n’est pas le fruit d’une action autonome d’opposition au monde. Cette étrangeté est sûrement une des sources de nos angoisses. Nous vivons une expérience nouvelle qui n’était pas prévisible sous cette forme : « la grève générale du virus », pour reprendre la formule pertinente énoncée quelque part. L’arrêt du business as usual s’est fait sans nous, hors des schémas connus que nous avons toujours envisagés, désirés, et pour lesquels nous avons bataillé. C’est une grève générale de masse sans « masses », pire encore, sans force collective de subversion. Il serait probablement juste de dire que nous vivons une première secousse qui en annonce d’autres à venir dans un processus d’effondrement général d’une société organisée à but de profit destructeur. Cet effondrement, étranger qu’il est à toute action collective consciente, n’est pas porteur d’un monde nouveau, de projet de réorganisation de la société sur des bases nouvelles. Il reste encore une création du capitalisme, dans les limites de sa barbarie, sans perspectives autres que celles de l’effondrement. Ici s’arrête toute ressemblance avec la grève générale, création d’une collectivité qui se réapproprie sa force.

Pourtant, le choc qui nous est asséné, annonçant un enchaînement de ruptures dans l’ordre du monde, n’est pas sans rapport avec le fonctionnement du système social dans lequel nous vivons, il n’est pas dissociable de ses contradictions. Les développements récents dans la mondialisation du capitalisme, l’accélération des échanges, la concentration et l’urbanisation rapide et gigantesque des populations, ont accéléré le bouleversement écologique, détruit la fragile reproduction du monde végétal, du monde animal et de celui des humains, brisant les dernières barrières entre eux. L’avènement du capitalisme global n’a pas été la fin annoncée de l’histoire mais il a inauguré une ère nouvelle d’épidémies de plus en plus rapprochées. Après la grippe aviaire, après le Sras, l’imminence d’une nouvelle épidémie était à craindre, elle était quasiment prévisible. Pourtant, la logique de profit du mode de production capitaliste a impitoyablement poursuivi sa route, et le frein dont il est question dans le « Monologue du virus » n’a pas été actionné ; il ne pouvait l’être que par des forces sociales opposées à cette logique et qui peinent à se constituer. Les conséquences de cette logique et de cette impuissance à la bloquer sont devant nous. C’est, il me semble, une piste de réflexion : ne pas séparer la crise virale de la nature du système. Il faut s’opposer aux tentations d’explication faciles qui s’accommodent des limites de ce qui existe, qui cachent mal l’intention de faire repartir la machine. Un bon exemple est celui des délires complotistes de toutes sortes, dont celui si séduisant du « virus créé en labo ». Si nous savons que la guerre biologique fait partie des projets criminels des classes dirigeantes, si la désorganisation et l’accident sont inhérents à toute bureaucratie, militaire ou autre, le fait est que la vision complotiste laisse de côté la logique mortifère du mode de production capitaliste. L’explication la plus invraisemblable se fait passer pour la plus évidente. Ce virus fut bel et bien fabriqué, non pas par des pouvoirs occultes mais par le processus destructeur du capitalisme moderne.

On le souligne assez, les mesures de confinement et de privation des libertés sociales et individuelles mettent en relief les rapports de classe. Une fois de plus, cette fois-ci, de façon macabre, l’égalité formelle s’efface devant la criante inégalité sociale. Inégalité que la crise virale accélère. Mais la crise virale révèle aussi la nature du capitalisme moderne, ses contradictions. Le réel du quotidien bouleversé est désormais l’effondrement des systèmes financiers, la débâcle des bourses, la précarité généralisée du travail salarié, la hausse vertigineuse du chômage, un appauvrissement de masse. Bouffée d’air frais : les « économistes », qui avaient relégué au fond du tiroir des objets superflus les concepts gênants de déséquilibre du système, ont quasiment disparu du paysage, confondus par l’inattendu, à court de prévisions. Pendant que des millions de chômeurs s’additionnent aux milliers de morts de la pandémie, les fortunes gigantesques se bousculent pour trouver protection dans les bras de leurs États. La planche à billets se remet en marche et l’inflation qu’on nous disait appartenir au passé, pointe son nez. L’après s’annonce déjà comme une deuxième secousse de l’effondrement.

On ne peut s’étonner que l’épidémie du Covid-19 et celles qui l’ont précédée aient été générés dans une Chine devenue l’usine du monde, dans des territoires en proie à une destruction sauvage, rapide et massive de la nature. La Chine, usine du monde, est productrice de virus comme elle est productrice de masques, d’appareils d’assistance respiratoire et de dolipranes, etc. C’est un tout.

De par son ampleur globale, planétaire, la contamination virale a très vite débouché sur un blocage des échanges et un écroulement de l’économie, la désorganisation de la production de profit. Une crise entraîne l’autre. L’une renvoyant à l’autre, l’une s’imbriquant dans l’autre. Désormais, tout est global. Et, dans l’espace de deux semaines, ce qui était à peine envisageable est devenu réalité : rien qu’aux États-Unis d’Amérique, dans un des centres même de la machine infernale, plus de dix millions de travailleurs se sont découverts chômeurs.

Parmi les questions qui nous interpellent, qui inquiètent, il y a celle de la réponse des pouvoirs politiques sur le terrain des droits formels, de ces contraintes liberticides qui bousculent le cadre juridique de notre existence. L’éventualité d’adopter le « modèle chinois » comme la référence en matière d’état d’urgence s’est dessinée très tôt dans les sociétés européennes pour se concrétiser ensuite dans l’adoption de méthodes, de techniques répressives et de contrôle du quotidien. À cela sont venues s’ajouter des dérogations allant dans le sens d’une remise en cause du droit du travail. Dans des pays comme le Portugal, le gouvernement socialiste est allé jusqu’à suspendre le droit de grève, permettant à l’État « d’avoir les moyens légaux d’obliger les entreprises à fonctionner » [1].

On a, d’expérience, des raisons de craindre que ces formes d’état d’urgence puissent, une fois la crise virale terminée, être « versées dans le droit commun », pour reprendre la formule pudique du « journal de tous les pouvoirs ». D’autant plus que cette « fin », le fameux « déconfinement », risque d’être lente et à rallonges. L’urgence – clamée déjà par toutes les forces capitalistes – d’un nécessaire retour au business as usual justifiera sans doute la perpétuation des « contraintes liberticides ». Un nouveau cadre juridique pour de nouvelles formes d’exploitation. Ce qui veut dire que la seule opposition à ce nouvel état de droit autoritaire sera indissociable de la capacité collective à s’opposer à la reproduction de la logique de production et de destruction du monde qui nous a amenés là où nous sommes.

Cela étant, il reste la question incontournable de savoir si le capitalisme, système complexe, puissant et capable de rebondissements inattendus, peut s’accommoder, à la longue, d’un fonctionnement social réglé par des mesures et des contraintes liberticides extrêmes. D’expérience historique, un état d’exception est compatible avec la reproduction de rapports d’exploitation et avec la poursuite de la production de profit avec une forte intervention de l’État. Ce n’est pas un hasard si l’un des grands théoriciens de l’ « état d’exception », Carl Schmitt, a été un brillant admirateur de l’ordre nazi, qui a fourni le cadre juridique d’une société moderne en Europe pendant une dizaine d’années au prix d’effroyables horreurs. Plus proche de nous, il est indiscutable que l’ordre totalitaire hérité du maoïsme a été en mesure d’engendrer un régime capable de bâtir une puissance capitaliste moderne, au sein de laquelle l’explosion des inégalités sociales et la montée des conflits et des antagonismes de classe, ont été, jusqu’à présent, surmontées par des mesures despotiques.

Autre chose est l’application de ce modèle aux sociétés du vieux capitalisme à dominante privée, où l’état de droit règle par la cogestion des « partenaires sociaux » l’ensemble des relations sociales. En principe tout au moins, tant il est vrai que la direction des affaires économiques et publiques se fait de façon plus en plus autoritaire dans les formes actuelles du capitalisme libéral. La tendance était déjà manifeste avant l’avènement de la pandémie et l’écroulement prévisible de l’économie. L’évolution du capitalisme, sa crise de rentabilité et le besoin de maximisation des profits avait progressivement réduit l’espace de négociation et de cogestion, fondement du consensus de la démocratie représentative et de ses organisations. La crise de la représentativité politique que nous vivons depuis des années en est la conséquence immédiate.

Cela étant dit, on peut se demander si la mise en œuvre de ces mesures liberticides est liée à un projet conscient des pouvoirs de construire de façon durable, et avec une acceptation tout aussi durable, un état d’exception permanent. Ou l’adoption de ces mesures est-elle la seule réponse dont dispose la classe politique pour affronter les conséquences sociales de la pandémie ?

Comme lors de toute crise, la classe dirigeante doit jongler entre l’idée de la défense de l’intérêt général, qui fonde son hégémonie idéologique, et sa subordination aux vrais donneurs d’ordres, la classe capitaliste. En toute circonstance trouble, le seul plan B disponible est celui d’un renforcement de l’autoritarisme, d’un recours renforcé à la peur comme mode de gouvernement.

Dans la période actuelle, la dimension des contraintes exigées par l’ampleur de la crise virale mondiale pose, à terme, le problème d’une paralysie du système productif lui-même. Pour le moment, le ralentissement de l’économie n’est qu’à ses débuts et la poursuite de la vie sociale prouve indiscutablement la richesse et la puissance des sociétés capitalistes modernes. Si les mesures d’arrêt se prolongeaient, on risquerait de voir l’ensemble de la machine économique s’effondrer. Néanmoins, le passage rapide, en peu de jours, d’un état de stagnation économique à une récession vertigineuse avec des millions de chômeurs est le signe de la fragilité de l’ensemble de l’édifice. Ce qui explique les réticences d’une partie de la classe dirigeante à adopter des mesures d’état d’urgence sanitaire.

Les discours anti-liberticides sont justifiés, ils nous mettent en garde contre la perte de droits déjà bien maigres. Néanmoins, et compte tenu des effets désastreux que ces mesures d’exception peuvent avoir sur le déséquilibre de « leur » économie, on peut considérer que les systèmes politiques les adoptent, non pas dans le but premier de dompter la majorité de la population, de soumettre les exploités à de nouvelles conditions d’exploitation mais, avant tout, parce qu’ils s’y voient forcés par les circonstances, par une situation qui leur échappe. Bien sûr, les classes dirigeantes savent faire bon usage des mesures de l’état d’urgence, elles en profitent pour accélérer le démantèlement des droits dits « fondamentaux », transformer l’état de droit. Toutefois, des faits montrent l’ambiguïté de la situation. Ces mêmes classes politiques – en Europe et même ailleurs dans des pays où l’équilibre social est fragile – se voient forcées de revenir sur des orientations et des décisions prises auparavant. On donnera pour exemple la suspension en France de la haïssable « réforme des retraites » et de la « réforme des droits des chômeurs », le timide projet de libération de certaines catégories de prisonniers, en France, aux États-Unis, au Maroc ou ailleurs. Ce serait surestimer leur fonction et même leur intelligence de classe que de considérer que les dirigeants dominent la situation et sont capables d’aller au-delà des mesures de sauvegarde des lois du profit. Ce sont ces lois qui commandent leur initiative politique. Dans le cas présent de la crise sanitaire, le besoin de confinement des populations semble être la seule façon de tenter d’éviter une situation de désastre social et économique. On confine la population non pour affermir la domination sociale mais comme seul moyen de soulager un service de santé publique en lambeaux, conséquence de choix d’austérité. En voulant montrer qu’il maîtrise la situation, le système politique cherche à cacher ses responsabilités dans le désastre sanitaire. Il cherche à nier sa faillite du point de vue de la défense du fameux « intérêt général ». Avec un effet pervers à la clef : le blocage progressif de l’économie dû à ces mesures affaiblit à son tour la gouvernance.

Rien ne dit que la sortie du « confinement » puisse se faire sous la forme d’un retour harmonieux vers une reproduction du passé. Tel est, sans doute, le projet des seigneurs du profit et de leurs serviteurs politiques. Ceux-ci risquent de se trouver à la sortie de l’état d’urgence plus affaiblis qu’ils ne l’étaient avant le début de la crise. Et avec une autre urgence, celle d’une crise sociale étendue. La crise du capitalisme sera le deuxième épisode de la crise virale. C’est pourquoi, dès maintenant, la classe politique cherche à préparer la sortie comme un long processus permettant d’intégrer les mesures d’urgence dans un état de droit de plus en plus d’exception.

La crise de la représentation, déjà ancrée dans une société riche et violemment inégalitaire, ne sera que plus affirmée par les effets dévastateurs de la crise économique. Après le temps suspendu du confinement, les forces du capitalisme tenteront d’imposer un retour au mode de production du passé, aux lois du profit comme seule alternative. Mais, nous ne sommes pas au XIVe siècle de la peste noire et, en France tout au moins, on peut espérer que la révolte et la résistance accumulées au cours des dernières années pourront se nourrir des nouvelles solidarités qui se sont tissées pendant le confinement. Le collectif, seule source de création libératrice, devra reprendre toute sa place, s’étendre.

Du vécu de ces mois étranges, il ressort déjà un élément porteur d’espoir : l’expérience des soignants. Travaillant dans des conditions extrêmement difficiles et avec des moyens restreints par le choix politique de ceux-là mêmes qui désormais se présentent comme des sauveurs, les collectivités de soignants ont réussi à prendre en charge la survie de la société. Au-delà des hiérarchies et des bureaucraties, elles ont fait preuve d’organisation, d’improvisation, d’innovation et d’invention. Si l’horreur ne s’est pas davantage étendue, c’est à elles que nous le devons. Cette entraide de collectivités de travail a sans doute puisé son énergie dans une expérience de plusieurs années de lutte contre l’austérité et le manque, contre la destruction de leurs conditions de travail, contre l’attaque prédatrice du capitalisme privé. Face à l’injustice de la mort, soudés par les valeurs de l’entraide, les soignants se sont ainsi réappropriés leur tâche, reprenant momentanément aux gestionnaires financiers le contrôle de leur activité. De par leur fonction, ces travailleurs sont conscients de leur utilité sociale pour la survie de la collectivité, conscience qui renforce leur engagement mais aussi leur force de contestation. Comme on l’avait déjà vu lors d’autres catastrophes, c’est ce sursaut qui peut constituer la charpente d’un projet d’avenir différent.

Nous vivons la peste, mais ce temps suspendu peut aussi être celui où nous cultivons et accumulons les colères. L’opportunité de leur affirmation viendra avec la vie, après le temps des charognards.

En attendant, et pour dompter peurs et angoisses, on peut prendre plaisir à lire ces quelques lignes d’un cher ami de Karl Marx, Heinrich Heine, écrites pendant des années de plomb, entre la révolution de 1848 et la Commune : « Ici règne actuellement le grand calme. Une paix de lassitude, de somnolence et de bâillements d’ennui. Tout est silencieux comme dans une nuit d’hiver enveloppée de neige. Rien qu’un petit bruit mystérieux et monotone, comme des gouttes qui tombent. Ce sont les rentes des capitaux, tombant sans cesse, goutte à goutte, dans les coffres-forts des capitalistes, et les faisant presque déborder ; on entend distinctement la crue continuelle des richesses des riches. De temps en temps, il se mêle à ce sourd clapotement quelque sanglot poussé à voix basse, le sanglot de l’indigence. Parfois aussi résonne un léger cliquetis, comme d’un couteau que l’on aiguise. [2] »

Quelque chose du même ordre nous saisit aujourd’hui, le silence n’est pas toujours le calme, c’est aussi le temps où l’on aiguise les armes des comptes à régler.

Charles REEVE

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