■ Les Gilets jaunes nous ont déjà prouvé une évidente capacité à construire des situations, à pratiquer sans compter la dérive urbaine, à s’approprier les espaces de la marchandise et de la non-vie pour en faire des terrains de jeu et de rencontre, à expérimenter l’horizontalité, à inventer des stratégies nouvelles de lutte. Ce qui, convenons-en, n’est déjà pas mal pour un début. Et voilà que nous recevons d’un coin perdu de la France profonde ce qui est, à notre connaissance, après le Chant des partisans à Commercy, la deuxième chanson détournée par cet inventif mouvement. L’air est connu, et pas seulement des supporteurs de foot. En ce jour de l’Acte IX de la mobilisation et alors qu’elle n’a pas l’air de décroître, plutôt le contraire, nous la mettons, à toutes fins utiles, en circulation, accompagnée d’un « appel aux électeurs » – à l’écriture inclusive hésitante – de la Commune de Paris de 1871 dont certaines appréciations n’ont rien perdu de leur pertinence. – À contretemps.
Marseillaise des Gilets jaunes
Debout, debout, rebuts du monde,
Le jour de fête est arrivé.
Bloquons tout, la colère gronde,
Le pouvoir est prêt de tomber. (bis)
Entendez-vous sur BFM
Les journalistes policiers
De leurs insultes nous accabler
Sans penser qu’ils attisent notre haine.
[Refrain]
Aux rires, citoyens ! Le peuple est en fusion !
Buvons, chantons,
Contre Macron, à la révolution !
Appel aux électeurs
Commune de Paris (1871)
Citoyen-nes,
Ne perdez pas de vue que les hommes qui vous serviront le mieux sont ceux que vous choisirez parmi vous, vivant votre vie, souffrant des mêmes maux.
Défiez-vous autant des ambitieux que des parvenus ; les uns comme les autres ne consultent que leur propre intérêt et finissent toujours par se considérer comme indispensables.
Défiez-vous également des parleurs, incapables de passer à l’action ; ils sacrifieront tout à un beau discours, à un effet oratoire ou à un mot spirituel.
Évitez également ceux que la fortune a trop favorisés, car trop rarement celui qui possède la fortune est disposé à regarder le travailleur comme un frère.
Enfin, cherchez des hommes aux convictions sincères, des hommes du peuple, résolus, actifs, ayant un sens droit et une honnêteté reconnue.
Portez vos préférences sur ceux qui ne brigueront pas vos suffrages ; le véritable mérite est modeste, et c’est aux électeurs à choisir leurs hommes, et non à ceux-ci de se présenter.
Citoyens,
Nous sommes convaincus que si vous tenez compte de ces observations, vous aurez enfin inauguré la véritable représentation populaire, vous aurez trouvé des mandataires qui ne se considèrent jamais comme vos maîtres.
Hôtel de Ville, mars 1871.