Il n’est pas hasardeux de penser qu’on nous reprochera ici ou là d’accorder une trop grande place à cette Histoire générale de l’ « ultra-gauche », de Christophe Bourseiller, qui n’en méritait pas tant. Il nous faut donc nous expliquer. D’abord, ce n’est pas la première fois que nous nous livrons à ce genre d’exercice ; il nous est même arrivé de consacrer la totalité d’un numéro (le troisième, sur Ruedo Ibérico) à un mauvais livre, simplement parce que, actualité éditoriale aidant, l’occasion se présentait de traiter d’un sujet d’intérêt. Ensuite, l’expérience prouve qu’en ces temps d’ignorance et de néant éditorial, un ouvrage, aussi calamiteux fût-il, peut finir par faire référence du simple fait d’exister. D’où notre volonté de laisser trace écrite d’une réponse circonstanciée. Pour l’histoire, en somme.
Il est une autre raison, plus terre à terre, qui motive ce copieux dossier : l’incroyable accumulation d’erreurs et d’approximations que contient l’ouvrage de C. Bourseiller. Sans prétendre, loin de là, les pointer toutes, des pans entiers de cette Histoire générale de l’ « ultra-gauche » étant faiblement ou pas du tout abordés ici (le « bordiguisme », par exemple), celles que nous avons retenues nous ont rapidement mis hors cadre, tellement elles faisaient masse. C’est dire l’ampleur des lacunes de cet étrange Monsieur Bourseiller qui, en l’occurrence et tout à son « instinctive sympathie » pour un objet non identifié, a visiblement évité de le comprendre, et même de l’étudier sérieusement.
Ce dossier s’articule, donc, autour de deux articles. Le premier, de Pierre Sommermeyer et Freddy Gomez (« L’ “ultra-gauche”, histoire et confusion »), se veut une analyse critique générale et objective de l’ouvrage. Le second, signé Enrique Escobar et approuvé dans ses grandes lignes par quelques anciens de Socialisme ou barbarie – « Christophe Bourseiller et les “sociaux-barbares” » (le titre est de la rédaction) –, s’intéresse plus précisément au traitement de cette question par C. Bourseiller.
Il est possible que des lecteurs méticuleux, il en existe, aient inventorié, de leur côté, quelques bourdes « bourseillesques » sur tel ou tel aspect non traité dans ce dossier. Au cas où, nous leur saurions gré de bien vouloir nous les communiquer. À toutes fins utiles.
Cet étrange Monsieur Bourseiller
À contretemps, n° 16, avril 2004