■Datant de fin janvier, l’article d’Éric Simon que nous publions tardivement ici nous a été transmis par les amis du site Fondation Besnard. Ce texte nous semble relever d’une contribution méritoire au débat fracassant que la guerre d’invasion russe contre l’Ukraine suscite à l’intérieur du camp dit internationaliste. Méritoire parce qu’il tente d’en définir globalement les contours en les confrontant aux enjeux qui, selon l’auteur, justifieraient d’en finir avec les divisions « de l’après-guerre dite “froide” – qui ne fut froide que dans le Nord et souvent très chaude au Sud […], divisions (qui) sont devenues de véritables fossés où le camarade d’hier est devenu, sur le plan géopolitique, au mieux un naïf manipulé et/ou l’agent, le complice d’un des camps de l’impérialisme, au pire, un ennemi ». Bien sûr, l’analyse que nous propose Éric Simon pêche parfois par esprit de réduction, notamment quand il cantonne son champ d’analyse à « trois grandes tendances de l’anti-impérialisme » : les « campistes », les « crypto-campistes » et les « grassroots » (ou « internationalistes de base »). Mais, malgré ses limites, la contextualisation qu’il nous propose de ce conflit offre quelques bases saines de discussion.
À vrai dire, nous sommes de ceux – très minoritaires – qui pensons que, comme nous l’avons déjà écrit, « lorsque des blocs impériaux ou ex-impériaux s’activent – dans l’ombre ou la lumière – au redécoupage d’un monde globalement capitaliste dans la seule perspective de restaurer ou d’étendre leur puissance et leurs nuisances, lorsque cette folie porteuse redéfinit dans chacun des camps les figures du Bien et du Mal, lorsque rien de ce que nous renvoient les images d’une sale guerre qui en cache d’autres n’est saisissable sans tenir compte des diverses logiques antagonistes, lorsqu’il faut choisir son camp et que celui-ci – nous dit-on ici – ne saurait être que celui de la Démocratie du Marché et du Droit, il y de quoi être effaré au sens premier du terme par l’ampleur de la défaite de la pensée que révèlent bien des commentaires cadencés sur la guerre russo-ukrainienne ».
Et dès lors, rien n’importe davantage à nos yeux que de se solidariser, certes, avec l’agressé – ici, le peuple ukrainien –, mais sans oublier, d’une part, le peuple russe, qui n’est pour rien dans cette affaire, et en rappelant, à toutes fins utiles, qu’aucun ralliement, même ponctuel, à un grand récit national-patriotique supposément libérateur ne saurait ouvrir la voie à l’émancipation sociale, la seule qui finalement, des deux côtés de la tranchée, devrait intéresser.
À contretemps