■ Lucien Descaves (1861-1949) fut un curieux personnage. Naturaliste de la première heure, il dénonça Zola pour son « penchant à la scatologie ». Antimilitariste, il fit un bon soldat, promu sous-officier, et en tira une forte étude des mœurs militaires, Sous-offs, qui lui valut quelques ennuis judiciaires et… une certaine notoriété. Anticonformiste, il finit à l’Académie Goncourt, non sans avoir manifesté d’évidentes sympathies pour la faune anarchiste de son époque et compté parmi les dreyfusards de premier rang. Écrivain plutôt conventionnel dans la forme, il aborda souvent, sur le fond, des thématiques de rupture : le sort des pauvres, le destin des insoumis et leurs rêves – parfois démesurés – d’émancipation. En cela, il reste représentatif de ce temps où, naissante, la « Sociale » trouva, chez quelques littérateurs reconnus ou en phase de l’être, des regards connivents et des oreilles attentives.
La particularité de Descaves, c’est qu’il manifesta, sa vie durant, pour la Commune – qui débuta le jour anniversaire de ses dix ans de gamin de Paris – un intérêt jamais démenti. Comme écrivain et auteur de théâtre [1], comme archiviste de l’événement (sa bibliothèque était riche, écrivit Victor Méric, de « documents, mémoires, vieux journaux, paperasses de toutes sortes » relatifs à l’insurrection de 1871), comme soutien actif de communards exilés ou déportés (qu’il visita, de 1871 à 1880, à Londres, à Genève, à Bruxelles, à Strasbourg, à New York et en Nouvelle Calédonie), comme ami de Benoît Malon, de Félix Piat, d’Eugène Vermersch, de Charles Gambon, de Maxime Vuillaume et de Gustave Lefrançais (dont il préfaça les Cahiers rouges du premier et les Souvenirs d’un révolutionnaires du second, avant de devenir son exécuteur testamentaire). La Commune fut donc l’affaire de Descaves, sa cause.
Rédigé en 1935, ce texte sur les origines de la Commune [2] que nous avons souhaité mettre en ligne, atteste, non seulement de cette permanence d’intérêt de Descaves pour cet événement fondateur, mais aussi d’un certain brio dans l’exposé des motifs. Un brio qui devrait faire pâlir d’envie les modernes besogneux d’une histoire sociale si pauvrement dotés d’imaginaire que, les lisant, rien ne revient jamais des anciennes incandescences qui l’ont portée. Ici, c’est le contraire. Et ça fait du bien. Un grand merci à l’ami Charles Vincent pour avoir attiré notre attention sur ce texte et un autre pour l’illustration qui le chapeaute, et dont il est l’auteur.
À contretemps.