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A Contretemps, Bulletin bibliographique
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Hannah Arendt : maîtrise et passion
Article mis en ligne le 26 février 2024

par F.G.


Élève juive allemande de Martin Heidegger, Hannah Arendt [1906-1975] se voulait davantage « politologue » que philosophe. Elle devient, après son émigration aux États-Unis en 1941, une référence de la pensée politique, sans cesse citée pour son analyse du totalitarisme et discutée pour son portrait d’Adolf Eichmann, le logisticien de la Solution finale, en incarnation de la « banalité du mal ». Une formule qui résume son auteur pour beaucoup d’entre nous.

Johanna Arendt appartient à une famille juive, installée à Königsberg (la ville du philosophe Emmanuel Kant). Émancipés économiquement par le régime de Bismarck, ses parents sont sensibles aux idées progressistes. On les dirait aujourd’hui sociaux-démocrates. Sa mère, Martha Cohn, qui ne se dit d’aucune religion, est une excellente pianiste et une femme passionnée ; son père, Paul Arendt, plus sévère et introverti, est ingénieur. Surtout, bibliophile féru de philosophie, de littérature et des classiques grecs et latins. Dans cette famille de juifs assimilés, la jeune Hannah (le diminutif de Johanna) reçoit une éducation dans laquelle sa judéité reste secondaire. Quoique son grand-père ait été président de la communauté juive libérale de Königsberg, elle baigne dans la culture allemande, qui est sa langue maternelle et l’élément de sa pensée. Elle avouera ne s’être pensée juive qu’après avoir essuyé, adolescente, des insultes antisémites dans la rue. En se disant : « c’est comme ça ».

Avant le lycée, elle fréquente des écoles libérales. Vive, joviale et curieuse, elle s’y sent à l’aise. Ses parents s’intéressent en effet aux pédagogies nouvelles, informées par la psychologie du développement de l’enfant et la psychologie de l’enseignement. Disciplines dans lesquelles excellent William et Clara Stern, les parents d’un certain [Günther Stern>https://acontretemps.org/spip.php?article1008]. Entre 1906 et 1918, Martha Cohn tient un carnet dans lequel elle consigne les progrès de sa fille, l’évolution de son caractère et de ses dilections [1]. Hannah est une enfant douée, qui comprend tout très vite et cherche à combler immédiatement toute lacune. Peu portée sur les travaux manuels, elle aime chanter à tue-tête et se plonger dans les livres imagés et les récits historiques. Élément intéressant pour son histoire future, ce n’est pas une sentimentale. Son père, gravement malade de la syphilis, décède alors qu’elle n’a que sept ans. Elle a bien prié pour lui, mais se tourne aussitôt vers sa mère et lui dit : « Tu sais, maman, cela arrive à beaucoup de femmes ! ».


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